Lors d'une journée portes ouvertes organisée par l'armée de terre à Carcassonne, un militaire a tiré dimanche après-midi à balles réelles, pour une raison encore inexpliquée, sur des civils et des militaires. La fusillade s'est produite au cours d'une démonstration de libération d'otages du Groupe de commandos parachutistes (GCP) du 3e régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMa).
Le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Bruno Cuche, a ouvert lundi une "enquête de commandement", qui a été confiée "au général de corps d'armée [quatre étoiles, NDLR] François-Pierre Joly, commandant de la région terre sud-est", a déclaré le colonel Benoît Royal. Le général Joly dispose désormais d'un "délai de l'ordre d'une semaine pour remettre son rapport" qui devra "définir les dysfonctionnements et déterminer les responsabilités", a-t-il précisé. Selon le colonel Royal, "le niveau de l'autorité choisie pour mener l'enquête de commandement, rarissime, prouve l'importance accordée à cette enquête". Le général Joly mènera parallèlement une "enquête technique portant sur le matériel de tir", a spécifié le chef du service d'information de l'armée de terre. Il s'agira d'examiner le fusil d'assaut Famas, le "bouchon de tir à blanc" qui était fixé en bout de canon ou encore les douilles éjectées par l'arme.
La justice dispose de films tournés lors de la fusillade. Elle a ainsi pu esquisser, lundi, le scénario du drame, "une erreur humaine", selon le procureur de la République, le sergent qui a tiré s'étant trompé de chargeur. Un des films saisis a été réalisé "de façon amateur" et en "temps réel" par un militaire présent, a souligné le procureur de la République de Montpellier, Brice Robin, selon lequel le sergent de 28 ans à l'origine du drame "s'est trompé lorsqu'il a rechargé son arme". L'auteur des tirs, qui comptait huit années de service, était considéré comme un militaire "fiable et stable, qui avait la confiance de ses chefs". Benoît Royal a rappelé que des munitions à balles réelles ne pouvaient être perçues par les militaires que dans trois cas : les exercices réalisés précisément à balles réelles, les gardes autour de points sensibles ou les patrouilles "Vigipirate".
Le sergent à l'origine du drame est en garde à vue
"Quand on voit le film, a déclaré le procureur lors d'un point de presse à Carcassonne, on comprend très bien que le sergent a à peu près un dixième de seconde pour enlever le chargeur initial, dont il a tiré les 25 balles, et recharger. Il avait sur lui plusieurs chargeurs, le malheur a voulu qu'il choisisse par réflexe un chargeur qui était dans une poche et qui malheureusement contenait des balles réelles", a ajouté le procureur qui a martelé que le militaire avait tiré "involontairement". "Il n'aurait jamais dû être en possession d'un chargeur à balles réelles", a-t-il cependant précisé.
"C'est bien pour ça qu'il est actuellement en garde à vue", a poursuivi le procureur. Le sergent devrait être présenté mardi devant un juge d'instruction à Montpellier, et mis en examen "pour le délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale supérieure à trois mois", a-t-il dit. Il a ajouté qu'il retiendrait "vraisemblablement une circonstance aggravante", insistant sur le fait que le militaire avait "violé les règles de sécurité". "Les balles qu'il avait avec lui sont des balles qui proviennent d'un résidu de tirs d'une opération qui remonte à fin juin." L'exercice de démonstration "consistait à extraire un otage qui était retenu". "Il y a eu à chaque fois quatre militaires qui tiraient à balles à blanc. Tout s'était très bien déroulé jusque-là, jusqu'à la malheureuse sixième représentation" de la journée. Par ailleurs, selon une source de la direction de la gendarmerie nationale, "des armes ont été saisies et mises sous scellés, et les auditions de plusieurs personnes ont débuté [...] Et toutes les hypothèses sont envisagées".
"Il y a eu des négligences inacceptables. Elles devront être sanctionnées"
Sur les 17 blessés par balle (15 civils, dont cinq enfants et deux militaires), quatre sont sortis de la clinique Montréal de Carcassonne dans la nuit de dimanche à lundi. Cinq autres blessés restent hospitalisés au CHU de Carcassonne et une fillette de 6 ans, dont l'état est "stabilisé", y a subi une intervention dans la nuit. Un garçonnet de trois ans, hospitalisé au CHU de Purpan à Toulouse, a été lui aussi opéré dans la nuit et son état est "stabilisé". Au total, 11 blessés ont été hospitalisés à Carcassonne, quatre à Toulouse, un à Montpellier et un à Perpignan.
Nicolas Sarkozy s'est rendu au chevet des victimes à l'hôpital Antoine-Gayraud de Carcassonne lundi. "Il y a eu des négligences inacceptables. Elles devront être sanctionnées", a déclaré le président de la République. "La réaction sera rapide et sévère", a-t-il promis. "Ce sont des professionnels, cela ne peut pas rester sans conséquence." Le président de la République s'est ensuite dirigé vers l'hôpital Purpan de Toulouse. En sortant, le chef de l'État a déclaré que "l'état de santé des victimes" évoluait "dans le bon sens". Nicolas Sarkozy, qui était aux côtés du ministre de la Défense, Hervé Morin, a également tenu à "féliciter l'équipe médicale de Toulouse qui a fait un travail remarquable". Le Président a par ailleurs prévenu : "L'État doit assumer ses responsabilités, chacun doit assumer ses responsabilités, ça ne peut pas rester sans conséquence."
Invité de France Info lundi matin, Hervé Morin a jugé qu'il était "trop tôt pour se prononcer". "Je n'exclus rien parce qu'on ne peut pas savoir ce qui peut se passer dans la tête d'un homme", a fait remarquer le ministre de la Défense. Toutefois, affirme-t-il, "il y a eu des fautes ou des manquements". "Un militaire qui a de l'expérience ne peut pas confondre" un chargeur à balles réelles et un chargeur de balles à blanc, a-t-il insisté, rappelant que les deux types de munitions sont de couleurs différentes et que les procédures veulent que les balles non utilisées soient rendues "après chaque exercice", ce qui n'a pas été le cas. Selon lui, l'auteur des tirs avait d'abord vidé un chargeur de balles à blanc avant, "malheureusement", d'en placer un second, à balles réelles, dans son arme.
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