38 ans de travaux et 400 pièces pour abriter des fantômes
26/07/2008, (www.batiweb.com)
(San José, USA) Sarah Winchester, héritière du fabricant des célèbres fusils, a consacré sa vie à construire une demeure destinée à abriter les âmes des victimes tombées sous les balles des armes de son beau-père
La passion de l'architecture prend quelques fois des chemins aussi surprenants que détournés. San José (EU), l'étrange maison de l'héritière des Winchester, témoigne de ce que le délire obsessionnel et la fortune peuvent faire naître dans ce domaine. La jeune Sarah Pardee a 23 ans quand elle épouse William Winchester, le fils de l'inventeur du fusil à répétition. Quatre ans plus tard, elle met au monde une petite fille qui meurt très vite. Peu après, son mari meurt à son tour, de tuberculose, la laissant à moitié folle. Elle hérite cependant d'une colossale fortune. La jeune Sarah attribue alors ses malheurs successifs à une malédiction. Pour la combattre, elle consulte les médiums et les mages de toute l'Amérique. L'un d'eux lui explique que se sont les âmes des hommes tués par les funestes fusils de son beau-père qui réclament réparation. Sarah Winchester va alors, sur les conseils du mage, chercher sa rédemption en construisant jour et nuit pendant 38 ans une demeure destinée aux fantômes des victimes des Winchester. Le chantier sera à la mesure de sa fortune et de sa folie. En bordure de la ville de Santa Clara (San José aujourd'hui), sur un terrain de 80 hectares, elle fait construire jour et nuit pendant 40 ans une incroyable maison destinées à abriter les fantômes des victimes des fusils familiaux. L'entreprise va durer toute sa vie. Sarah n'a pas de plan, aucune connaissance architecturale mais de l'inspiration et une équipe de 22 solides charpentiers.
Une construction à perpétuité
Les travaux vont occuper jour et nuit des centaines d'ouvriers. Pour acheminer les matériaux, une voie de chemin de fer sera même installée. Sarah construit, change d'avis fait démolir et modifier d'heure en heure, de jour en jour la demeure, souvent au grand désespoir des ouvriers qui ont bien du mal à comprendre ses désirs. Mais le médium lui a donner sa consigne : les travaux ne devront jamais s'arrêter. Pendant ce temps, une équipe sillonne le vieux continent pour ramener par bateaux entiers meubles, vitraux, tissus et quantités de matériaux. Le chiffre 13 obsède la jeune femme. Les murs auront ainsi toujours 23 panneaux, les fenêtres 13 vitres et les escaliers 13 marches, à l'exception d'un seul qui en compte 42. Quand la maison atteint 7 étages, un tremblement de terre la détruit en partie. La catastrophe confirme Sarah dans ses convictions. Elle va inlassablement reconstruire. Elle ne quitte pratiquement jamais le chantier et prend souvent de brusques et curieuses décisions. Ainsi, en apercevant un jour une trace suspecte sur le mur de la cave à vins, elle fait murer la pièce et tout son contenu. Pour piéger les fantômes dans la demeure, elle organise aussi d'étranges labyrinthes. Des chambres gigognes qui renferment d'autres pièces qui elles même s'ouvrent sur d'autres pièces. Des escaliers qui mènent aux plafonds ou des ascenseurs qui ne conduisent qu'à des couloirs aveugles et en impasse. De multiples trompes l'œil ont pour mission d'égarer les mauvais fantômes tandis que les bons sont censés disposer des pièces les mieux garnies et dotées des plus belles cheminées. Le 4 septembre 1922, après une ultime séance de spiritisme durant laquelle elle reçoit quelques fantômes intimes, Sarah Winchester s'éteint dans son lit à l'âge de 83 ans.
Un étrange héritage
C'est sa nièce, Frances Mariot, qui hérite de l'étrange propriété. Face à cette demeure de 160 pièces, dont 30 sont entièrement murées, dotées de 47 cheminées, de 10 000 fenêtres, traversée de dizaines d'escaliers ne menant nulle part, de pièces multiformes qui en renferment d'autres, d'ascenseurs sans objet et de dédales de couloirs conduisant à des murs, elle ne sait que faire. La maison paraît étrangement vide. Il faudra pourtant une noria de 8 camions par jour pendant plus de six semaines pour la vider de ses meubles. On découvrira d'ailleurs à cette occasion que, pour mieux piéger les fantômes dans les meubles, Sarah avait fait enlever les fonds des tiroirs de la plupart des buffets. Le coût estimatif de cette singulière rédemption est alors estimé à 5 millions de dollars de l'époque. Faute de mieux, la maison sera alors ouverte à la visite du public. Les voisins assommés par 40 ans de coups de marteau afflueront en masse pour constater que ces bruits ont été remplacés par ceux des fantômes qui, quand la maison est vide de visiteurs, font fortement claquer les portes et grincer les parquets. Rebaptisée Mystery House, la propriété reçoit aujourd'hui des milliers de visiteurs payants. Sarah Winchester a ainsi assuré à ses descendants un solide héritage pour lequel ils n'auront à supporter aucun châtiment…