Cette fois-ci, l'activité du Soleil a bel et bien repris. Le 15 février, à 2h55 heure française, notre étoile a produit la plus forte éruption qu'elle ait jamais suscité depuis plus de quatre ans et la fin du dernier cycle d'activité solaire. Cette émission record a libéré un flux de rayons X 500 fois plus intense que le Soleil dans son ensemble avant l'éruption. Elle s'est accompagnée d'une spectaculaire éjection de masse coronale, nuage magnétisé de particules chargées, envoyée à plus de 3 millions de kilomètres/heure (900 km/s) dans la direction de la Terre, ainsi que d'une bouffée de protons énergétiques.
Le satellite Solar Dynamics Observatory (SDO) de la Nasa, en orbite depuis un an, a pu observer la dynamique de l'événement en extrême ultraviolet (EUV). Il a étudié les taches magnétiques sources, associées à la région active NOAA 11158 dans l'hémisphère sud de l'astre du jour. Les images de SDO ont révélé que les caméras CCD à bord avaient été temporairement saturées par le sursaut d'émissions EUV produites par l'éruption.
Les physiciens de l'Observatoire de Paris et leurs collègues du monde entier étudient le développement du phénomène, qui a conduit à l'apparition d'aurores polaires sur Terre dans la nuit du 18 au 19 février.
L'activité magnétique du Soleil suit un cycle d'environ 11 ans et le dernier passage par le minimum s'est produit en 2008-2009. Pendant cette durée, la "surface" brillante de l'astre s'est montrée quasiment exempte de taches solaires sombres, lieux de déclenchement favoris des éruptions. Le nouveau cycle est entré en phase croissante en 2010, avec l'apparition de nouvelles taches. Mais jusqu'à présent, seules de petites éruptions avaient eu lieu dans l'atmosphère solaire. Les physiciens de l'Observatoire de Paris s'attachent à comparer les observations avec leurs modèles théoriques d'éruptions solaires. Objectif : tenter de mieux cerner - et à terme de prévoir - ces phénomènes d'une importance majeure pour les relations Soleil-Terre. Les éruptions de cette puissance peuvent provoquer des perturbations des télécommunications au sol et dans l'espace ainsi que des systèmes de distribution du courant électrique.
Les éruptions solaires les plus intenses se déclenchent dans la partie supérieure de l'atmosphère solaire - la couronne - au sein de boucles de champs magnétiques et de courants électriques intenses ancrées, plus bas, dans des taches solaires. La région active NOAA 11158 a commencé à apparaître dès le 10 février. Le magnétographe HMI du satellite Solar Dynamics Observatory (SDO) a suivi pendant plusieurs jours la croissance et le déplacement des taches les unes par rapport aux autres. Cette émergence a permis à des champs magnétiques de se déployer dans la couronne, et les mouvements de cisaillement observés ont conduit à y amplifier des courants électriques. Cest ce qu'indiquent l'expansion lente et la géométrie vrillée des boucles magnétiques observées au-dessus des taches par les télescopes AIA de SDO, qui observent continuellement la totalité du Soleil simultanément dans 8 longueurs d'ondes du rayonnement extrême ultraviolet (EUV). Pendant quatre jours, cette région a été le siège de plusieurs éruptions modestes et d'une éruption de taille moyenne.
Le 15 février à 1h55 TU, une éruption de classe X2 s'est déclenchée au coeur de la région concernée. Elle s'est accompagnée d'une éjection de masse coronale (CME) en halo. L'un des télescopes à bord de l'observatoire solaire européen SOHO a mesuré sa vitesse d'éjection à un peu moins de 1000 kilomètres/seconde. L'impact de cette CME avec la magnétosphère terrestre a produit des aurores polaires visibles à des latitudes inhabituellement basses.
Plusieurs observations indiquent que cette éruption a été le siège d'une accélération soudaine de particules, qui se sont propagées aussi bien vers la surface du Soleil que dans le milieu interplanétaire. D'une part la précipitation d'électrons dans la chromosphère a produit des sources d'émissions en rayons X-durs identifiées par le satellite RHESSI, ainsi que des embrillancements allongés observés en EUV par AIA (Figure 1, bas), qui ont fini par saturer les images dans toutes les longueurs d'ondes observées (Figure 2, gauche). D'autre part un accroissement du flux de protons a été observé au voisinage de la Terre par le confrère GOES.
Au cours de la phase impulsive de l'éruption, et avant l'éjection de masse coronale, un front de propagation rapide de forme ovale a pu être mis en évidence par traitement des images de SDO. Ces front de propagation sont communément interprétés comme étant la manifestation d'une onde magnéto-acoustique engendrée dans la couronne, soit par le chauffage brutal de l'éruption, soit par l'expansion rapide de l'éjection de matière.
Une équipe de chercheurs du LESIA* est d'ores et déjà en train d'analyser cet événement exceptionnel, grâce à un modèle de déclenchement des éruptions. Ce travail de longue haleine repose sur des simulations numériques 3D de magnétohydrodynamique (MHD), effectuées sur les machines de calcul de la Division Informatique de l'Observatoire de Paris. L'évolution des courants électriques et des champs magnétiques simulés, en particulier, semble montrer des ressemblances avec la morphologie des phénomènes relevés par SDO.
L'analyse dans la simulation des phénomènes de reconnexion magnétique et d'expansion rapide des lignes de champs magnétiques vrillés (Figure 3, gauche) repose sur plusieurs études menées à l'Observatoire de Paris depuis plus de dix ans. Elle s'avère expliquer la géométrie des embrillancements EUV par la reconnexion magnétique dans des "quasi-séparatrices" (Figure 3, milieu), et elle semble indiquer que la propagation de la perturbation issue du site de l'éruption ne serait pas dûe à une onde magnéto-sonore, mais plutôt à la génération de courants électriques sur les bords de l'éjection de masse coronale qui repousse les champs magnétiques environnants.
La dernière éruption solaire de cette intensité enregistrée remontait au 13 décembre 2006. Entretemps, le satellite SDO lancé le 11 février 2010 a atteint son poste de travail, il y a un an. Le cycle d'activité solaire a bel et bien redémarré après environ deux années de pause. Ceci offre aux chercheurs l'opportunité d'acquérir un ensemble de données inégalé afin de tester leurs théories et de contraindre le développement de nouvelles idées en gestation.
Source : notre planète