Surgis de nulle part par une nuit de tempête, toutes voiles dehors, mats et coques auréolés d'un éclat phosphoré, ils inspirent effroi et terreur à tout ceux qui croisent leur route : ce sont les vaisseaux fantômes .
Des apparitions fantômatiques dans la légende :
De nombreuses légendes font état de marins ayant passé un pacte avec le démon et étant condamnés eux, leur navire et leur équipages à hanter les mers pour l'éternité. Ainsi en est-il de la célèbre légende du Hollandais volant :
En 1650 dans le port d'Amsterdam est amarré un navire marchant dont le capitaine Bernard Fokke ignore qu'il sera bientôt promu au rang de capitaine du plus célèbre des bateaux fantômes. Bernard Fokke est un homme très bien bâti et au tempérament violent qui outre ses orgies et ses colères célèbres est réputé pour être un marin capable d'effectuer des voyages très rapides pour l'époque. Ses performances étaient tellement remarquables pour l'époque que l'on suspectait le capitaine d'avoir passé un pacte avec les forces surnaturelles et notamment avec le diable. Le fait qu'il osait appareiller le jour du vendredi saint et qu'il blasphémait à outrance entretenait cette sinistre réputation. Avec l'age il devenait de plus en plus grossier et violent et sa réputation empira. Puis un jour il ne revint plus à quais et les rumeurs voulurent que le Diable l'ait rappelé. Le bateau fut aperçu un mois plus tard par un navire revenant des Indes au milieu d'un orage et entouré d'éclairs. Il fut par la suite aperçu encore plusieurs fois mais il ne revint jamais au port, la légende fit de Bernard Fokke un capitaine fantôme condamné à errer éternellement du cap Horn au cap de Bonne-Espernace. Plusieurs navires tentèrent d'approcher le Hollandais volant mais à chaque fois celui-ci s'évanouissait dans l'air, des marins faisant des gestes désespérés à son bord .
Le pirate Soertebeker surgissait des brumes pour tuer et piller jusqu'au jour où après un violent abordage son navire fut pris. Soertebeker ne fut retrouvé ni vivant ni mort et par conséquent on était persuadé que ce démon était retourné en Enfer. On revit souvent le pirate dans un navire phosphorescent cherchant à compléter son équipage de marin fantômes. Les légendes attribuèrent la même histoire à d'autres pirates : Van der Straeten, Johannes Jacob, Falkenberg, Davy Jones, légendes souvent reprises et romancées dans la littérature .
Un autre récit de bateau fantôme bien connu est celui de la Belle Rosalie : un soir de Toussaint le guetteur du sémaphore de Dieppe signala une goélette qui mettait cap sur la jetée et fut stupéfait de reconnaitre la Belle Rosalie disparue depuis un an. Dès que la nouvelle fut connue un attroupement vint sur la jetée, les familles des marins disparus au premier rang. La Belle Rosalie avait coulé au cours d'une tempête et des épaves avaient été retrouvées et pourtant elle était là ses voiles blanches dehors. Alors que la Belle Rosalie était à une encablure de la jetée on envoya une bosse d'amarrage aux marins présents sur le pont. Les matelots la saisirent en silence puis la nuit tomba et la Belle Rosalie devint invisible. L'assistance ne comprenait pas pourquoi les matelots n'amarraient pas le bateau eux qui après un an d'absence devaient être impatients de rentrer au port. Peu après les premiers coups de l'Angelus, l'haussière devint moins résistante et on pu la haler facilement mais il n'y avait rien à l'extrémité, les marins de la Belle Rosalie l'avaient détachée. Le ciel devint plus clair et l'assistance s'aperçut avec stupéfaction que la Belle Rosalie avait disparue .
Il existe d'autres récits de bateaux fantômes mais cette fois-ci il ne s'agit pas de navires sortis de l'enfer mais de vaisseaux fantômes faisant office de véritables paradis pour les marins morts en mer. Ainsi en est-il du Chasse-Foudre :
"On y est bien : de la viande à tous les repas ; du vin de Bourgogne le matin et du madère-z-à diner, et le soir, une chopine de rhum. Le bâtiment a on ne sait pas combien de mille lieues de quille et tout en proportion. Les bas-mats sont si hauts qu'un mousse qui monte à la hune pour porter la soupe aux gabiers a la barbe blanche avant d'être arrivé. Par exemple, le grand Chasse-Foudre ne marche pas vite ! C'est une vraie bouée pour le plus prés. Il reste cent ans à virer de bord et deux siècles pour lever-z-une ancre. Son cacatois de perruche est plus grand que l'Europe en y comprenant Landerneau. Le capitaine est un grand, bel homme qui est vieux, mais si vieux qu'on n'en sait pas de plus âgé. Quand vous voyez le ciel, après un coup de vent-z-à l'orage, c'te grande banderole bleue, rouge, jaune, violette, blanche, vous croyez, garçons, que c'est un arc en ciel comme on dit partout. Et bien! non : c'est la flamme du grand Chasse-Foudre. Elle est de toutes les couleurs parce que le navire est de toutes les nations. Le tapage qui a l'air de se faire là-haut, pendant les tempêtes et que vous autres campagnards vous appelez le tonnerre, c'est pas autre chose que les paroles de l'officier de quart quand il commande une manoeuvre dans son porte-voix. Les marées, on veut dire comme ça que c'est la lune qui en est cause. Des bêtises... Il y a flot quand le capitaine du grand Chasse-Foudre va à sa bouteille rendre ce qu'il a bu-z-à son diner ; la mer descend-z-au contraire quand l'équipage du bâtiment tire de l'eau pour laver le pont. Le grand Chasse-foudre est-z-un monde; dans chaque poulie il y a-z-une auberge ; la pipe du moindre mousse est grande comme une frégate ; la chique d'un seul homme nous ferait à nous tous notre provision pour une campagne de dix-huit mois et les drisses de pavillon sont grosses au moins comme la grosse tour de Toulon ; alors jugez du câble ! "
Le Hollandais volant par Louis Michel Eilshemius
Des vaisseaux fantômes bien réels : les derelicts :
Les derelicts sont les épaves errantes des navires abandonnés par leur équipages à la course fort aléatoire. Ils constituent des écueils flottant très dangereux par le fait qu'il est quasiment impossible de les fixer sur une carte du fait de leur mobilité. D'après les estimations environ la moitié des bateau disparus au cours de ce siècle ont été victimes de ces épaves mortelles.
Rien que pendant la période de 1887 à 1891 on a dénombré environ 957 dérelicts dans une zone équivalent au tiers de l'océan atlantique. De 1891 à 1893 le nombre estimé des derelict se portait à 1628, chiffre qui augmente d'environ 200 unités par an. Le nombre de derelicts ne fait que s'accroitre malgrés les opérations de destruction engagée par le fait qu'un navire victime d'un derelict a de bonnes chances d'en devenir un à son tour et d'augmenter ainsi l'armée des épaves flottantes. La flotte des derelicts comporte tout type de bateaux, du simple canot au cargo métallique en passant par le vieux trois mats en bois. Bien souvent il n'en reste que la coque renversée et partiellement immergée, ce qui rend l'épave encore plus dangereuse par le fait qu'elle est plus difficilement visible, surtout de nuit .
La chasse au derelict est très difficile le cas du Fred B .Taylor en est un bon exemple. Ce trois mats avait fait naufrage à environ 400 milles à l'est de New York et fut aperçu plusieurs fois sans être identifié, l'arrière étant séparé du reste de la coque. L'Amirauté ordonna à un garde côte de détruire l'épave à demi submergée mais celui-ci revint au bout de huit jours sans résultats. L'épave du Fred B.Taylor réapparut et faillit heurter un paquebot, le garde côte reprit le large mais l'épave avait à nouveau disparu. Quinze jours plus tard le derelict surgit de nouveau mais au vu des échecs précédents on renonça à le détruire .
Une autre méthode de chasse aux derelicts fut mise au point, on n'attendait plus qu'un dérelict attaque un bateau mais on utilisait les cartes des courants marins et les probabilités des vents dominant pour mettre au point des prévisions de dérives pour chaque derelict observé, et ainsi les détruire préventivement. On équipa alors un navire aux cales bourrées d'explosifs puissants, à la fois destroyer, mouilleur de mines, remorqueur et bateau-pompe pour partir à la chasse aux épaves : le Seneca. Devant le succès du Seneca on mit au point d'autres navires destructeurs d'épaves : l'Atlanta, l'Onondaga et le Miami et ce jusqu'en 1916 l'Amirauté décidant de concentrer ses efforts à la guerre .