Eric Taladoire : «Pas plus d’apocalypse en 2012 que pour l’an 2000»
13/8/08 , écrit par Antoine Bayle (Paris-match)
(Paris, France) Professeur d'archéologie précolombienne à l'Université Paris 1, spécialiste de la civilisation maya, Eric Taladoire porte un regard sans concession sur les interprétations autour du calendrier maya.
Paris Match : D’après le calendrier maya, que se passera-t-il en 2012 ?
Eric Taladoire : La fin d’un cycle. Cette date, le 21 décembre 2012, apparaît dans tous les manuels sérieux mais pas en tant qu’apocalypse. Bien entendu, il existe toujours des problèmes de calculs chez les spécialistes. C’est dû notamment aux années bissextiles ou aux corrélations de calendriers. Actuellement, les calculs sont probablement exacts, à quelques jours près. 2012 est une date mythique. Pour les Aztéques, elle correspondrait à la fin du 5e cycle. Pour les Mayas, il est possible que ce soit la fin du 3e ou du 4e. Et celui qui arrive à son terme aurait duré 5.128 ans, puisqu’il avait commencé en 3114 avant JC.
Lors de la fin du précédent cycle, avons-nous une trace d’un événement spécial chez les Mayas ?
Nous n’en savons rien pour la bonne raison que 3114 est une date mythique. Nous ignorons tout de cette époque : s’il y a eu un événement particulier, qui peuplait alors le territoire Maya... Cette date reste arbitraire pour les spécialistes. Mais, a priori, il n’y a pas plus de raison de vivre une apocalypse en 2012 que pour le passage à l’an 2000. Nous avions alors changé de cycle et de millénaire. Certains se sont inquiétés. Nous nous sommes d’ailleurs trompés de date puisqu’il aurait fallu fêter 2001. C’est assez similaire concernant le calendrier Maya.
Que vous inspire cette fièvre apocalyptique qui sévit sur le web ?
J’en ai entendu parler pour la première fois il y a 2 ou 3 ans. Ce sont pour 98% des fantasmes, projetés sur un calendrier qui n’est pas compris par les auteurs. Ils en tirent des conclusions qui ne reposent sur aucune connaissance scientifique.
Aucun archéologue ne rentre dans ces considérations. Pas un seul article n’a été publié sur ce phénomène, que ce soit par nos collègues Japonais, Australiens, Américains, Guatémaltèques, Mexicains ou Espagnols. Nous ne sommes pas très intéressés par ce genre de fantasmes. Je n’ai jamais véritablement évoqué de ces théories avec des confrères, autrement que pour parler du film de Mel Gibson Apocalypto ou du dernier Indiana Jones qui surfent sur ce genre de phénomène. Mais c’était surtout pour en rire.
Ne craignez-vous pas certains excès ?
La seule chose qui inquiète les spécialistes, c’est lorsque ce type de mouvement s’approprie des sites archéologiques. À Chichén Itza [ancienne ville maya située dans la péninsule du Yucatán, au Mexique, classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO.ndlr] certains crédules se regroupent parfois par milliers pour tenter de voir la descente du « Serpent de Feu ». Ils viennent par charters entiers des Etats-Unis. Il faut ensuite nettoyer le site, et estimer les dégâts. Tous les ans, la lumière descend, lors des solstices à Chichén Itza, le long d’un grand escalier, comme si cela avait été planifié par les Mayas. Mais ces gens oublient que le Castillo de Chichén Itza était un tas de ruines lors de sa découverte, et que ce phénomène de lumière est peut-être dû à la restauration.
Personnellement, que vous inspire cette idée d’une apocalypse en 2012 ?
Je suis préoccupé par la crédulité des gens et la manipulation sectaire qui peut se cacher derrière. Nous avons connu un certain nombre d’exemples de sectes millénaristes qui ont abouti à des catastrophes. Les gens ont besoin de croire, c’est un droit. Ceux qui sont déboussolés par la diminution des religions peuvent basculer dans ce genre de mouvement. Mais je ne comprends pas comment on peut croire à ces théories et s’empêcher de croire en des faits démontrés. Combien d’Américains sont encore convaincus que l’homme n’est jamais allé sur la Lune et que tout cela est un montage…